Première pluie d'hiver
et mon nom sera
voyageur
Bashô
Je me souviens de cet immense lac gelé, comme un morceau d'Arctique; le crépitement cristallin de la glace qui fond doucement le long des berges.
Je me souviens des forêts de mélèzes denses et déchiquetées, desséchées, figées; de l'odeur des aiguilles oranges dans le feu, de la fragilité des branches.
Je me souviens du vent glacial qui transperce la peau et paralyse les mâchoires; et de ces nuits passées à grelotter.
Je me souviens de ce silence qui tombait le soir venu, quand le ciel livide et le lac blanc ne font plus qu'un.
Je me souviens du grognement caverneux des yaks, des bouclettes soyeuses de l'agneau, de l'encolure ruisselante d'Atgal, mon cheval.
Je me souviens de la chaleur des braises, au petit jour, quand là-haut les oies sauvages reprennent la route.
Khövsgöl, 24 mai 2002
« Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps
vous prête ses couleurs »
Nicolas Bouvier, L'Usage du Monde
Bien peu de monde
une feuille qui tombe ici
une autre là
Issa
Sur l'aile du vent
légère et lointaine
l'hirondelle
Sôseki
Seul le chemin connaît le voyageur
proverbe tibétain
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